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    Saint-Étienne, 7 février ..89

     

    Mon ami Alexandre,

     

     Dois-je d'abord vous parler de mon inquiétude à votre sujet ou aborder de suite la méprise me concernant?

     "Il" n'a jamais compté pour moi. Je l'avoue, je ne fus pas insensible à son charme comme toutes les jeunes filles qui pouvaient le rencontrer. Mais une fois que la magie ne faisait plus son effet, une fois que le prestidigitateur dévoilait inconsciemment les subterfuges, que restait-il. Un délice sans saveur, un fruit flétrit, un amour interdit, impossible.

    Votre imagination vous aura joué aussi des tours. A croire que la séduction, si elle opérait sur nous, pouvait aussi compromettre votre raison.

    Vous ai-je laissé croire que je l'aimais ou bien l'avez-vous supposé ? Vous ai-je repoussé  ou ne serait-ce pas plutôt vous qui vous vous êtes éloigné. Aurais-je partagé avec lui des secrets qui auraient pu me rendre vulnérable? Aurais-je pu être heureuse avec un homme ou devrais-je dire un ours, attiré par l’essaim d’abeille qui le mènerait jusqu'au pot de miel, jusqu'à la piqure du dard. L'amour n'aurait pu être que douleur, que poison.

    A quoi bon en parler puisqu’il est trop tard. Puisque la nuit et le froid ont recouvert les derniers espoirs. Je me dois plutôt de m'interroger sur votre santé mental. J’espère que vous m'excuserez d’être aussi directe.

    Pour ne rien vous cacher, je me sens impuissante, désemparée.

    Si seulement nous pouvions revenir au temps passé, à l’insouciance de notre jeunesse. Si seulement nous pouvions parler le même langage, ressentir au même instant les émotions qui traversent les moindres parties de notre corps, de notre esprit. Si seulement... mais vous savez tout aussi bien que moi que cela est impossible.

    Vous savez tout aussi bien que moi que la guérison, que le médicament n'est autre que l'oublie. Mais un oubli partiel car chacun de notre coté nous laisserions un peu de place au rêve. Nous imaginerions des rendez-vous pris avec... avec.... Je soupire devant l’impossibilité à croire nos propres mensonges. Peut-on se convaincre, se trahir, tarir nos propres désirs.

    Chaque phrase est une hésitation entre la question et la certitude et se termine par un point. Un poing dans la figure.

    Pourrions-nous entrevoir une fin heureuse ?

    Devant la confusion de votre lettre, cela parait peu probable. Devant la confusion de ma vie, cela me donne de l'espoir.

    Un jour prochain, peut-être aurions-nous l’occasion de nous rencontrer. D’échanger sur les quiproquos du passés. Outrepassés.

    Quel revirement de situation. Je suis partagée entre l'espoir et la perplexité. Tout cela me parait à la fois si compliqué mais à la fois écrit par les lignes du destin.

    L'avenir se compose d'incertitude. Avez-vous bien fait d'ouvrir la boite de pandore ?

    Doriane

     

    Antoine le 4 février 2016

     

    Dans le Cycle : les brèves histoires de l’inconscience vous pourriez aussi lire : C'est d'ici que je vous écris (Amour et Désespoir) 5/5

     

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