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    Chapitre 5 sur 5

    Jardin du Luxembourg, Paris 22 Juin ..89

    Après quelques jours d’hésitation, Doriane finit par accepter l'invitation d’Alexandre. Le rendez-vous se ferait dans ce magnifique jardin, en cette saison où les oiseaux chantent gaiement, où le soleil illumine les esprits chagrins, où la chaleur apaise les tensions. Tous les deux en avaient besoin. Autant l'un que l'autre, ils se demandaient si dans le fond, opportune serait leur rencontre. Et tout comme la nature offrait ses plus beaux feuillages, ses plus belles fleurs, ils se mirent sur leur 31. Si Alexandre, déterminé, espérait ainsi reconquérir son amour de jeunesse, Doriane, timide, se cachait derrière ses habits de lumière.

    Doriane, arriva sur les lieux bien avant l'heure du rendez-vous. Elle en profita pour visiter la roseraie, pour s'imprégner de la subtile odeur de ces fleurs et tomber d’admiration devant leur grande beauté. Mais la magie prit un nouvel essor lorsqu'elle pénétra dans les serres où s'exposaient, pour le plus grand plaisir des visiteurs et admirateurs, une impressionnante collection d’orchidées.

    Attirée par les cris de joie d'enfants et les applaudissements du public, elle s’enthousiasma à son tour devant un spectacle de marionnettes. Un peu plus loin, des adultes s'affrontaient aux échecs ainsi qu’aux différents jeux proposés. A l'autre extrémité du jardin, dans le kiosque à musique, on interprétait, "le clair de lune", "la pastorale" et "les adieux" du grand compositeur Beethoven.

    Durant sa promenade, elle contempla les nombreuses statues qui ornementaient le jardin, les trouvant plus ou moins à son gout.

    Les heures, les minutes défilaient et l'instant du rendrez-vous approchait. Fatiguée par tous ces kilomètres parcourus, elle s'asseya sur un banc, prés d'un carrousel. Elle regardait les enfants enchantés par la rotation du manège, par l'illusion du galop des chevaux et autres animaux. Son imagination donna vie aux chevaux, chiens, chats, lapins, cochons et elle les vit s’évader, accompagnés de leurs petits anges, gambadaient dans le jardin d’Éden.

    Elle fut tout à coup surprise par la voix d'un homme qui lui adressait la parole. Du moins le croyait-elle. Si si, c’était bien  pour elle que des mots ondulaient et se laissaient transporter sur un coussin d'air, jusqu'à l'atteindre et la toucher en plein coeur.

    - Doriane ! Quel immense plaisir de vous revoir, vous... vous... vous êtes toujours aussi belle, aussi radieuse que dans mes souvenirs !

    - Mon cher Alexandre, j'aimerai en dire autant mais, mon dieu, que vous ait-il arrivé ? Vous êtes si pale, si maigre !

    - C'est que... enfin, la vie ces derniers temps ne m’aura pas épargné. Je pense d'ailleurs que je l'ai mérité. On ne joue pas impunément avec ses sentiments, encore moins avec ceux d’autrui. Mais, nous aurons tout à loisir, j'ose l’espérer, nous aurons l'occasion d'en reparler. Nous avons tant de choses à nous raconter, tant d'aventures à partager.

    - Autant que ça ? Peut-être que cela est votre cas. Ma vie passée fut d'une banalité, d'une tristesse ! non pas qu'elle ne fut pas ponctuée de moments précieux, de moments joyeux mais ils fussent si rares.

    - Vous restez pour quelques jours ? Avez-vous réservé un hôtel ou bien...

    - Ou bien vous me proposerez de me loger chez vous. Une chambre et un un lit douillet seraient donc disponibles ?

    - Pourquoi riez-vous ? non je n'y ai pas... en fait si, cela m'a bien traversé l'esprit. Mais de grâce, enlevez-vous cela du votre, jamais je n'oserais vous faire une telle proposition !

    - Évidement ! Soyez convaincu qu'en aucune manière j'aurais pu accepter. Bien que, l’idée de m'aurait pas déplu. Mais si nous parlions d'autre chose, je n'ai pour cette fois ci, que l’après-midi de libre. Ce soir, je me rends chez une tante qui habite Paris pour y passer la nuit mais aussi quelques jours en sa compagnie. Mais peut-être, qu’après avoir passé une partie de la journée à mes cotés vous vous serez lassé de moi et aspireriez de nouveau à votre solitude... bien loin de ma présence.

    - Seriez-vous donc si ennuyeuse ! à moins que ce soit capricieuse. Ou trop bavarde ! Bien que, cette alternative serait bien loin de me déranger, je suis plus prompt à l’écoute. En plus, cela me laissera tout à loisir de vous contempler, de m’immerger dans votre magnifique regard bleu azur. Savez-vous où se trouve la plus belle fleur de ce jardin ? Les avez-vous au moins remarqué ?

    - Oh oui, elles sont d'une grande beauté. Des fleurs aux milles couleurs, aux milles senteurs. J'ai une préférence pour les orchidées donc je choisie l'une d'entre elles.

    - Pourquoi aller chercher si loin quand elle se trouve juste en face de moi. Si bien entendu l'image, la comparaison avec une fleur ne vous offense pas.

    - M'offenser ? non bien au contraire puisque c'est de la sorte que je perçois mon image dans le reflet du miroir. Sauf que cette fleur, elle est fanée, usée par le temps qui passe, rongée par l'acidité de la solitude. Et bientôt insociable si cela venait à continuer. Alors, si vous voulez me voir sous de meilleurs aspects soit, que grand bien vous fasse. Mon cher Alexandre, que me faut le plaisir de vous voir sourire, de vous voir presque rugir ?

    - Je m'inquiétais, après que vous ayez accepté mon invitation. Je m'inquiétais jours et nuits. Je mourrais d’inquiétude, je me rongeais le sang en voyant ma pitoyable carcasse et voila que je m’aperçois que vous, vous partagez les mêmes angoisses. Ce qui me laisse à penser, avec un optimisme démesuré, que nous sommes fait pour nous entendre, pour nous comprendre. Tous les deux, nous aspirons à des jours meilleurs, comme au temps de notre jeunesse, comme au temps de notre insouciance. Ensemble, nous n'allons pas reprendre le fil d'un temps perdu, du temps de nos vingt ans mais mieux encore, nous allons reconstruire une vie nouvelle, beaucoup plus radieuse. L'envisageriez vous à mes cotés ?

    - Mon cher Alexandre. Par le passé, vous m'avez fait souffrir. Plus récemment, lors de nos échanges par lettres, les plaies mal cicatrisées se sont ré-ouvertes alors croyez moi, mon cher Alexandre, mon bien aimé, que j'ai le droit, que vous avez l’obligeance de m’offrir une part d'un bonheur légitime et si par la même, vous souhaiter prendre la votre, cela ne me dérange en rien. Bien au contraire...  

    Ainsi se termine cette correspondance. Fallait-il en dire plus ? Cela est probable. Fallait-il lui donner une fin heureuse, triste, torride ? Fallait-il révéler la part d'un mensonge mal dissimulé ? Ces intentions ne pouvaient être mienne. Je réserve d'autres surprises bien plus croustillantes pour... pour... en fait pourquoi le dirais-je aujourd'hui !

    Cette conclusion est inachevée pour l'heure, et selon mon état émotionnel futur, il est fort à parier qu'une suite verra le jour. En fait, elle est déjà en partie écrite, et j'ai comme l'impression... que vous y prenez part. Oserez-vous me l'avouer, me l’écrire ?
     

    Antoine le 05/02/2016
     
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