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    Cycle : les brèves histoires de l’inconscience
    Quelque part en France. Une gare imaginaire. Le train arrive à destination.

    J'avance dans le couloir d'un wagon typique de la fin des années 70. Pour atteindre le quai, j'emprunte des marches hautes, difficiles à descendre, mais qui gardent tout leur charme d'antan. Mon regard circulaire guette un chemisier rouge porté par une inconnue avec laquelle je corresponds depuis des années. D'abord par l'intermédiaire d'internet. Ensuite par de simples lettres postales. Je connais son écriture ainsi que son style, ses gouts vestimentaires, ses passions, le plat qu'elle préfère manger les jours de pluie. Sur ce dernier point j'ai un doute. Me l'a t-elle dit ou bien l'aurais-je inventé. Qu'importe car aujourd'hui il fait soleil. Ses rayons illuminent les vitraux d'une gare qui ressemble à une église. Un sourire se dessine sur mon visage. Mais ce sourire cache aussi une angoisse profonde. Je n'ai qu'une envie, remonter dans le train direction la maison. Me recoucher, ne plus penser à rien pendant l'espace d'un instant ou d'une journée si le besoin s'en fait sentir. Allumer mon ordinateur, guetter des signes de vie ou des phases de silence plus ou moins longues. Attendre, recevoir, lire, renifler le message qu'elle manquerait pas de m'envoyer. Suis-je donc si bizarre ? J'hume l'air qui m'entoure, j'imagine l'odeur de son parfum qui envahit ma chambre. Tous mes sens sont en alerte... mais je n'ai plus le temps de rêvasser. Mon retour devient impossible. Elle est là, juste en face de moi.

    Que de sentiments contradictoires. On s'imagine tant de choses à distance mais le moment venu, à l'instant T, on redevient ce que l'on a toujours été. Les phases de joie, de bonheur, d'angoisse et même de peur s'entrechoquent. Je suis maladroit, lamentable et pourtant, je sens de sa part une immense compassion. Regrette t-elle notre rendez-vous ? Si c'est le cas, elle ne le montre pas. Bien au contraire...

    Les heures passent. Je suis beaucoup plus détendu. Elle le ressent.

     

    Correspondances : L'amour à l'heure du numérique

     

    Notre histoire s'écrit en chair et en os comme des mots que l'on couche sur du papier à lettre. D'une main sûre, ils sont écrits dans une langue que seuls les amoureux comprennent.

    Elle est aussi parfaite que le laissaient imaginer nos échanges. Un peu trop parfaite d'ailleurs.

    La soirée se termine sur des éclats de vie. Mais les paupières deviennent lourdes. Il est temps d'aller se coucher.  Au réveil serais-je à la maison en train de rêver, dans une chambre d’hôtel, ou dans son lit. Son lit ? Impossible. Je ne lui ai pas caché que j'étais marié. De toute façon il ne m'est même pas venu à l'idée d'acheter des préservatifs. Non, je ne suis pas là pour ça. C'est encore plus fort et pourtant...

    Retour sur un passé récent. Mon imagination se donne le droit de franchir les obstacles, ainsi que les portes de l'interdit. D'ailleurs pourquoi parle t-on dans ce cas d'interdit si deux êtres sont amoureux. Mais soyons honnête, il est plus facile de s'inventer une histoire quand "je" peut être tous les personnages. Il suffit juste de... : Il est trois heures du matin. J'ai du mal à dormir alors je lis quelques passages de l'histoire que je suis en train d’écrire. J’entends des pas dans l'appartement. Une lumière s'allume. La porte s'ouvre. Une silhouette apparait. Elle me demande si tout va bien. Dans une histoire érotique probablement qu'elle porterait un déshabillé court et transparent mais pour l'occasion, elle est vêtue d'un pyjama... vraiment sympa qui lui va à ravir. Bien sûr que tout va pour le mieux et je lui le dis. Elle me sourit et se retourne déjà prête à partir.

    ... et pourtant. Il était prévu que je réserve une chambre à l’hôtel. Mais la soirée si vite passée rendait la chose impossible. En fin de compte, le voulions nous seulement?

    Elle m'installe dans la chambre d'amis. Une très belle pièce, si joliment décorée.

    Je lui dis de ne pas s’inquiéter si la lumière de la chambre reste pour quelques minutes encore à tenir compagnie à mes notes. Croyant que j’écrivais des partitions, elle me demande si je suis musicien. Bien sûr que j'aurai aimé l’être mais ce ne sont que de simples notes qui ressemblent à notre histoire.

    Après avoir parcouru mes feuillets, d'un sourire, elle me signifie qu'il est temps que nos chemins se séparent. Je lui rends son sourire et lui souhaite une belle nuit.

    Quelques minutes plus tard, alors que je suis sur le point de terminer mon récit, j'entends des bruits de pas. Des pas qui se rapprochent de ma chambre. La porte s'ouvre. Une silhouette apparait. Vêtue d'un pyjama tout comme je l'avais imaginé, elle me regarde. Dans une histoire érotique, les protagonistes sont habités par des sentiments de luxure... dépourvus de moral. Dans ses yeux, je vois de la tendresse, de l'amour.

    Délicatement, je détache un à un les boutons de son haut. Mes mains effleurent ses épaules, puis glissent le long de ses bras. Timidement, dans un premier temps, le bout de mes doigts frôlent sa belle et petite poitrine, avant de la caresser plus longuement... avant de la couvrir de baisers.

    Une gare imaginaire que mon esprit crée de toute pièce. Sur le billet, une destination inconnue. Et pourtant, sur le quai, une femme attend un train. Les haut-parleurs annoncent son arrivée imminente.

    Antoine (le 7 Mars 2015)
    Dans le Cycle : les brèves histoires de l’inconscience vous pourriez aussi lire : Les paroles s'envolent, les écrits restent....
     
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